jeudi 18 mars 2010

Il faut sauver le soldat « private equity »

JEAN-HERVÉ LORENZI EST PRÉSIDENT DU CERCLE DES ÉCONOMISTES

Quel tir groupé ! En quelques mois le « private equity », de manière générale en Europe et encore plus en France, va être l'objet de trois modifications de règles prudentielles et fiscales qui devraient l'affaiblir significativement. Ce n'est pas qu'il n'y ait pas besoin de changements dans cet univers, assez peu homogène, où se côtoient les grands fonds de LBO (« leverage buy out ») et les fonds de taille plus réduite de capital-développement et de capital-risque. Il est effectivement normal que l'on souhaite plus de précautions sur l'endettement et une meilleure répartition des plusvalues engrangées au cours des transactions sur les entreprises concernées.

Mais c'est oublier que le « private equity » ou capital-développement est un formidable moyen de financer les entreprises et ceci à tous les niveaux de taille, de la microentreprise de technologie jusqu'à la très grosse entreprise, en n'oubliant surtout pas, peut-être ce qui est le plus important, le développement des PME en croissance. Certains ont même considéré, de manière peut-être excessive, que le « private equity » représentait une nouvelle forme de capitalisme, plus efficace et plus juste, associant de manière harmonieuse actionnaires et salariés.

Or, deux faits incontournables doivent guider aujourd'hui toute politique économique. Nous ne sortirons de cette crise, le moment venu, que par un énorme effort en matière d'innovation, par le renforcement de notre tissu de PME, et, seconde réalité, le financement en sera difficile qu'il vienne des banques, des marchés financiers ou qu'il soit l'objet d'un soutien public. Bien entendu, le « private equity » ne peut pas résoudre tous les problèmes de croissance et d'emploi, mais s'en priver serait parfaitement suicidaire. Or, il en est question aujourd'hui.

D'abord, à travers la directive AIFM (Alternative Investment Fund Manager), en débat ces jours-ci à Bruxelles et qui porte, comme son nom l'indique, sur la gestion alternative. L'absurdité de cette démarche n'est pas le moins du monde de vouloir renforcer une régulation sur le « private equity », mais d'associer cette catégorie d'actifs aux « hedge funds », c'est-à-dire à des produits dont l'objectif, la nature et la logique n'ont rien en commun avec elle. [Faute d'accord du Royaume-Uni, cette directive a été mise de côté, mardi, par la présidence espagnole de l'Union.]

Deuxième agression, plus grave encore, celle de Solvabilité II, concernant les assureurs, dont l'impact sur la collecte des fonds serait, du moins en France, désastreuse [voir également sur ce point la chronique d'Olivier Pastré, publiée le 25/02 sous le titre « Solvency 2 est une usine à chômeurs »]. Nous avions réussi à devenir le deuxième collecteur et investisseur en Europe…

Enfin, une large partie du financement des « pousses technologiques » a été réalisée par les FCPI (Fonds communs de placement dans l'innovation) qui, eux aussi, méritent sûrement un toilettage mais sûrement pas de disparaître. C'est pourtant ce qui est le plus probable dans le cadre de la suppression de leurs avantages fiscaux pour la loi de Finances 2011. On peut dire que rarement tel gâchis a été aussi soigneusement organisé, mais n'en jetons pas la pierre à nos dirigeants puisque, aujourd'hui, les institutions communautaires sont, sur ces points-là, très largement à la manoeuvre.

Les années qui viennent seront celles d'un immense besoin d'épargne, destinée à des investissements à moyen et long terme nous permettant de nous situer sur une trajectoire de croissance plus élevée ; et cela parce que nous aurons su trouver, financer, développer les biens et services du XXI e siècle, c'est-à-dire favoriser les entreprises qui les porteront.

http://www.lesechos.fr/info/finance/020422039620-il-faut-sauver-le-soldat-private-equity-.htm

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