[ 11/03/10 ]
A la veille d'échéances importantes relatives aux mesures d'application de la directive, les assureurs font pour la première fois front commun. Ils dénoncent des exigences excessives de fonds propres, nuisibles à la fois aux clients, aux assureurs et à l'économie.
C'est une première et elle risque de faire date. Les assureurs européens, via le Comité européen des assurances (CEA), leur super-fédération commune, ont décidé de faire front commun pour dénoncer les conséquences de Solvabilité II, la directive censée déterminer, à compter de 2012, leurs exigences de fonds propres à partir d'une approche économique des risques. Dans un document commun publié hier et destiné à être présenté au Parlement européen le 16 mars, ils expliquent pourquoi des exigences excessives de capital vont nuire à la fois aux clients, aux assureurs et à l'économie en général.
D'ici là, l'objectif est très clair : « Il s'agit de tirer la sonnette d'alarme auprès des autorités européennes et nationales », explique Bernard Spitz, le président de la Fédération française des sociétés d'assurances (FFSA). Et faire passer le message auprès de l'opinion publique qu'il ne s'agit pas uniquement d' « un débat technique et ennuyeux », mais d'une question dont la résolution aura des conséquences directes sur le niveau des retraites, le prix de l'assurance et donc le niveau de protection des personnes et des biens, ou encore la croissance (et donc l'emploi).
Pourquoi une telle mobilisation aujourd'hui, alors que la directive avait fini par être votée par les 27 Etats membres le 22 avril 2009 ? Pour la bonne et simple raison que le texte, compte tenu des mesures d'application proposées par le Comité européen des superviseurs d'assurance (Ceiops), n'a plus du tout la même tête qu'il y a un an. Pourtant, l'assurance européenne « a bien traversé la crise ». Mais, compte tenu d'un resserrement généralisé des calibrages sur tous les paramètres et tous les types de risques (opérationnel, souscription, marché…), motivé par une « hyper-prudence » qui semble difficile à justifier, « le secteur de l'assurance européen risque de devoir payer un lourd tribut » à la réforme, note le CEA.
Tribut qui pourrait se chiffrer en centaines de milliards d'euros de recapitalisation. Standard & Poor's évoque ainsi une hausse des exigences de fonds propres « de 65 % à 75 % » par rapport aux critères retenus lors de la quatrième étude d'impact (QIS4) de 2008, et sur la base de laquelle avait été votée la directive. Dans le même temps, les capitaux éligibles à la couverture de ces exigences de solvabilité pourraient subir une réduction « de 20 % à 50 % ». Rien qu'au niveau français, le cabinet d'actuariat Milliman a calculé que les assureurs auraient, sur ces bases, un besoin potentiel « considérable » de reconstitution de fonds propres, estimé à près de 30 milliards d'euros pour les assureurs-vie et à 20 milliards pour les assureurs non-vie.
Impacts sur les fonds de retraite
Pour le CEA, les conséquences sont écrites. Le secteur européen de l'assurance verrait sa rentabilité s'effondrer - avec le risque que les investisseurs s'en désengagent -, ce qui conduirait les compagnies à augmenter leurs prix, à réduire les garanties accordées, voire à se désengager de certaines branches longues comme la retraite ou la responsabilité civile. Sa compétitivité serait dégradée par rapport aux Etats-Unis et à l'Asie et son handicap très nettement accru par rapport aux fonds de pension, qui ne seront pas soumis aux mêmes exigences.
La fédération anticipe une baisse « de 30 % à 50 % des fonds de retraite » selon les pays et les produits, et donc la nécessité pour les assurés « d'augmenter leur épargne annuelle de 50 % pour maintenir leur objectif de niveau de vie jusqu'à la retraite ». Quant au prix des produits d'assurance non-vie, « ils augmenteraient en moyenne de 5 % à 20 % ». Au niveau macroéconomique, enfin, des exigences de fonds propres plus conservatrices « remettraient en cause le rôle des assureurs comme investisseurs institutionnels », avec « un impact négatif immédiat sur l'évolution du PIB ». Bref, il reste à convaincre la Commission européenne d'opter pour des calibrages moins contraignants - et d'en donner la preuve entre avril et juin dans les spécifications du QIS5.
G. V., Les Echos
http://www.lesechos.fr/info/finance/020406641524-l-europe-de-l-assurance-se-mobilise-contre-les-consequences-de-solvabilite-ii.htm
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