BERNARD SPITZ PRÉSIDENT DE LA FÉDÉRATION FRANÇAISE DES SOCIÉTÉS D'ASSURANCES (FFSA)
[ 11/03/10 ]
Nicolas Sarkozy a annoncé la semaine dernière vouloir réorienter l'épargne vers les entreprises. Cela justifie-t-il de toucher à la fiscalité de l'assurance-vie ?
L'équation économique du pays suppose de concilier trois objectifs : préserver l'épargne longue, car elle est l'élément moteur du financement dans la durée de la croissance et de l'investissement ; trouver des solutions au problème des retraites, ce qui passe par des mécanismes de capitalisation ; et, enfin, orienter l'épargne là où elle est le plus utile, c'est-à-dire vers le financement des entreprises. Ces trois objectifs sont parfaitement tenables et compatibles, même s'ils doivent être réalisés en tenant compte de la contrainte budgétaire qui est la nôtre, ainsi que des futures normes Solvabilité II et IFRS. On a en France quelque chose qui marche et qui s'appelle l'assurance-vie. D'où la nécessité de la protéger et de la compléter par des dispositifs de long terme destinés à financer les retraites. Je récuse d'ailleurs le terme de niche fiscale la concernant puisque la dimension fiscale fait partie intégrante de la définition du produit. Les sommes mobilisées sont du reste faibles comparées aux encours : moins de 2 milliards d'euros pour plus de 30 millions de Français protégés et 1.300 milliards d'euros mobilisés, dont plus de la moitié investie dans les entreprises, c'est l'un des meilleurs investissements que l'Etat ait jamais fait.
L'un des objectifs du gouvernement est de réconcilier les épargnants avec les actions…
Très bien. Mais la confiance ne se décrète pas. C'est de l'argent des assurés qu'il s'agit, ce sont eux qui décident. L'histoire est remplie de produits financiers géniaux sur le papier mais qui se sont révélés invendables. Ce n'est pas par hasard si les Français se sont détournés dans la période récente de la détention de produits investis en actions. Il faut tirer les enseignements du passé et de la crise : les épargnants veulent des produits simples et raisonnablement souples. Les solutions ne seront pas faciles à trouver, surtout avec la contrainte de Solvabilité II. Le président de la République a donné des orientations, nous avons quelques mois pour y arriver. Mais une solution condamnée à l'échec serait de pénaliser le système actuel pour forcer la main des épargnants. L'assurance-vie, c'est le produit populaire par excellence.
En tentant de protéger l'investissement en actions des assureurs, la France a longtemps eu une position isolée sur Solvabilité II. Il semblerait que, désormais, toute l'Europe de l'assurance s'inquiète des conséquences des futures normes sur le financement de l'économie.
Pendant les négociations sur Solvabilité II, c'est vrai que les Français ont été isolés sur certains sujets. Aujourd'hui, le Comité européen des superviseurs [Ceiops] est en train de susciter une levée de boucliers générale en Europe. Il faut dire que les conséquences de ses calibrages seraient désastreuses pour le financement de l'économie et particulièrement pénalisante pour la détention d'actions : rien qu'en France, on évoque plusieurs dizaines de milliards d'euros de recapitalisation pour les assureurs ! C'est beaucoup d'argent pour pas grand-chose, quand on sait que le secteur a traversé la crise sans encombre et que l'assurance française n'a pas demandé un euro au contribuable. La préoccupation française autour du financement de l'économie a donc le mérite de ne plus apparaître comme l'expression d'une « spécificité nationale », mais comme la position dominante au sein du CEA, le Comité européen de l'assurance. L'ouverture du bureau de la FFSA à Bruxelles, nos échanges réguliers depuis un an avec le CEA et avec nos homologues européens ont beaucoup joué. Après cinq ans d'errements divers, il y a un élément d'espoir. Cette unité devrait nous donner une vraie légitimité aux yeux de la Commission européenne.
Etes-vous satisfait du résultat sur la nouvelle Autorité de contrôle prudentiel (ACP) ?
La mission a été remplie. Nous sommes parvenus à un texte équilibré entre la banque et l'assurance, avec un fonctionnement sain, puisque le sous-collège assurance aura compétence générale sur les dossiers du secteur et la maîtrise de son ordre du jour. Les pouvoirs publics veulent d'ailleurs en faire un modèle pour l'Europe, ce qui nous semble très encourageant. La réussite de l'ACP ne nous appartient plus désormais, la suite sera une affaire d'hommes et de circonstances. Le défi est d'inventer de nouvelles méthodes de travail et de parvenir à ce que les deux cultures s'enrichissent plutôt qu'elles ne s'opposent.
PROPOS RECUEILLIS PAR GÉRALDINE VIAL ET LAURENT THÉVENIN, Les Echos
http://www.lesechos.fr/info/finance/020407391349--en-france-on-evoque-plusieurs-dizaines-de-milliards-d-euros-de-recapitalisation-.htm
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